Nous sommes devant les toiles d’Alain Fraboni comme l’homme
de dos devant la mer de Caspar David Friedrich, entouré de falaises rocheuses.
La splendeur des couchers de soleil sur la montagne nous fascine et ce n’est
pas l’apparition de la lune dans cet entre monde qui nous démentira. La facture
est plutôt lisse, avec parfois des touches plus apparentes. Ce qui me frappe
dans cette peinture est son aspect fractal : je pense à un peintre comme
Mati Klarwein (ou comme si le cubisme venait au secours de l’hyperréalisme).
Mais l’entropie n’est elle pas le signe même du tellurisme ?
Il semble qu’il y ait
comme une tension entre la représentation de la nature chez Alain Fraboni et
ses représentations humaines. Pourquoi ? Serait-ce parce que l’homme
appartient au règne organique, quand la pierre reste la pierre ? Serait-ce
parce que l’homme est dans l’interaction alors que la roche est dans la
causalité ? Il est caractéristique cependant que la touche se fait plus
apparente, plus charnelle, dans ses représentations humaines.
Le réalisme
(« Bonjour monsieur Courbet ») défendu par Champfleury semble
resurgir dans la peinture d’Alain Fraboni lorsqu’il s’attache à la figure plus
ou moins isolée du contexte géologique (intérieurs de bivouacs, photos commémoratives,
etc.). En revanche, lorsqu’il intègre l’homme (ou plutôt la cordée) dans un
lointain bleuté, cette contradiction n’apparaît pas.
Mais prenons un exemple : cette aiguille rocheuse où se
distingue - discrètement - un alpiniste vêtu de jaune. N’est on pas alors tenté
de songer à ce « petit pan de mur jaune » que Proust voyait dans la
« Vue de Delft » de Vermeer ? L’homme est alors intégré dans un
continuum visuel, il fait corps avec la matière, il n’est qu’une flexion de la
lumière universelle.
J’avoue envier parfois la détermination d’Alain Fraboni, sa
manière de relier parfaitement ses exigences d’alpiniste et d’homme avec ses
exigences de peintre. Je connais Alain depuis assez longtemps pour savoir qu’il
ne se paie pas de mots et qu’il met toute son énergie à accorder sa vie avec
son œuvre. J’espère que son travail rencontrera l’écho qu’il mérite et qui
résonne dans ses toiles, et que son activité passionnée et opiniâtre trouvera
des regards émerveillés comme sont les miens.
Arnaud Bouchet
2012
Arnaud
Bouchet, artiste diplômé des Beaux-Arts de Toulouse (DNSEP section
Arts) et de l'Université Paris 8 (DEA Esthétique, sciences et
technologies des Arts).