05/10/2013

L’alpiniste jaune





Nous sommes devant les toiles d’Alain Fraboni comme l’homme de dos devant la mer de Caspar David Friedrich, entouré de falaises rocheuses. La splendeur des couchers de soleil sur la montagne nous fascine et ce n’est pas l’apparition de la lune dans cet entre monde qui nous démentira. La facture est plutôt lisse, avec parfois des touches plus apparentes. Ce qui me frappe dans cette peinture est son aspect fractal : je pense à un peintre comme Mati Klarwein (ou comme si le cubisme venait au secours de l’hyperréalisme). Mais l’entropie n’est elle pas le signe même du tellurisme ?
Il semble qu’il y ait comme une tension entre la représentation de la nature chez Alain Fraboni et ses représentations humaines. Pourquoi ? Serait-ce parce que l’homme appartient au règne organique, quand la pierre reste la pierre ? Serait-ce parce que l’homme est dans l’interaction alors que la roche est dans la causalité ? Il est caractéristique cependant que la touche se fait plus apparente, plus charnelle, dans ses représentations humaines.
Le réalisme (« Bonjour monsieur Courbet ») défendu par Champfleury semble resurgir dans la peinture d’Alain Fraboni lorsqu’il s’attache à la figure plus ou moins isolée du contexte géologique (intérieurs de bivouacs, photos commémoratives, etc.). En revanche, lorsqu’il intègre l’homme (ou plutôt la cordée) dans un lointain bleuté, cette contradiction n’apparaît pas.
Mais prenons un exemple : cette aiguille rocheuse où se distingue - discrètement - un alpiniste vêtu de jaune. N’est on pas alors tenté de songer à ce « petit pan de mur jaune » que Proust voyait dans la « Vue de Delft » de Vermeer ? L’homme est alors intégré dans un continuum visuel, il fait corps avec la matière, il n’est qu’une flexion de la lumière universelle.
J’avoue envier parfois la détermination d’Alain Fraboni, sa manière de relier parfaitement ses exigences d’alpiniste et d’homme avec ses exigences de peintre. Je connais Alain depuis assez longtemps pour savoir qu’il ne se paie pas de mots et qu’il met toute son énergie à accorder sa vie avec son œuvre. J’espère que son travail rencontrera l’écho qu’il mérite et qui résonne dans ses toiles, et que son activité passionnée et opiniâtre trouvera des regards émerveillés comme sont les miens.

Arnaud Bouchet
2012

Arnaud Bouchet, artiste diplômé des Beaux-Arts de Toulouse (DNSEP section Arts) et de l'Université Paris 8 (DEA Esthétique, sciences et technologies des Arts).

Images de l'exposition LANDSCAPE THEORY


qui a eu lieu du 12 au 30 janvier 2013 au Château de Saint-Priest



Cette exposition présentait un ensemble de 44 peintures 
dont 28 tableaux et 16 travaux sur papier.


Série Himalaya, les 14 sommets de plus de 8000 m, 2009 - 2010